Dans son dialogue Le Banquet, il y a plus de deux mille ans, le philosophe Platon développe une idée profonde et troublante. Chaque être humain ne serait que la moitié d’un être complet qui vivait dans le monde céleste, et qui a été séparé en deux êtres distincts au moment de sa descente dans le monde réel. Toute leur vie, les moitiés esseulées n’auront de cesse de chercher leur moitié manquante, littéralement, leur alter ego (en latin : « l’autre moi-même »).
Et la recherche de cette moitié manquante, c’est la recherche de l’amour. Quand on trouve son autre moitié, c’est le coup de foudre, la reconnaissance immédiate ; l’évidence est au rendez-vous, car les deux moitiés se reconnaissent immédiatement, n’ayant fait qu’un dans le monde céleste.
Bien sûr, il ne s’agit là que d’une vision philosophique, d’une image poétique, d’une allégorie. Nous ne sommes pas réellement les moitiés isolées d’un être céleste coupé en deux. Et pourtant, plus de deux mille ans après, cette image de Platon nous touche profondément. Elle nous trouble. Qui a déjà été amoureux connaît cette impression de familiarité, de complicité, de facilité, comme si l’on connaissait déjà la personne que l’on vient de rencontrer… exactement comme si l’on avait retrouvé sa moitié manquante.
Dorénavant, je suis sûre que vous entendrez d’une autre oreille les expressions telles que « ma douce moitié », « ils ne font qu’un », « c’est mon alter ego »… Une oreille toute platonicienne !

Juliette Marchal.